Jo roulait depuis des heures. Ils avaient fait plusieurs haltes. Il commençait à être fatigué.
Ils avaient quitté Detroit depuis deux jours, bientôt ils arriveraient à Monterey. Mary commençait à être vraiment fatiguée.
Chienne de vie, pensa Jo. Ils avaient tout pour être heureux. Son entreprise marchait bien. Jo était charpentier. Il employait dix ouvriers, ils construisaient des maisons en bois. Ils n’avaient pas leur pareil pour monter les ossatures en un temps record. Le carnet de commandes était plein. Ses gars se donnaient à fond. Il faut dire que Jo était un bon patron. Ils leur payaient les assurances maladie, les caisses de retraite, sans compter les bonus. Tout allait bien, et puis il y eut la crise. Epiphénomène, pensa –t-il tout d’abord, et puis il dut se rendre à l’évidence, c’était plus grave.
Des légions entières envahissaient les nations, les légions de la spéculation, esclaves fidèles de leur démon et maître tout puissant l’argent. La colonisation des nations libres fut imperceptible au début, puis peu à peu les incidents apparurent et se multiplièrent. Ces légionnaires étaient sans pitié tant leur empire était tout puissant. Les structures des états colonisés se modifièrent, et ainsi se fragilisèrent, puis se fut les coutumes qu’ils modifièrent, et ainsi toute la diversité du monde tendait vers l’uniformisation. Des officines dirigés par des serviteurs proche du démon notaient même les provinces conquises, une mauvaise note accélérait leur destruction, et bien sûr ces fermiers généraux s’enrichissaient copieusement sur la misère des autres. Les peuples colonisés s’appauvrissaient de plus en plus, sombraient dans l’incertitude, puis dans la précarité, et enfin la résignation. Les entreprises fermaient les unes après les autres et les gens perdaient tout ce qu’ils avaient, jusqu’à leur maison.
Les commandes se raréfièrent, et Jo comme d’autres avant lui du fermer son entreprise, et à son tour perdit tout ce qu’il avait.
Avec Mary son épouse, ils décidèrent alors de partir vers Monterey dans le sud ouest. Il avait pu seulement sauver son Electra Glide du naufrage. Bien sûr le pick-up aurait été plus pratique surtout dans l’état de Mary, mais les serviteurs des légions de la régression l’avait saisi.
Jo avait roulé sans à-coup pour préserver Mary. Il savait bien qu’il devait trouver un endroit pour se poser. Mary était épuisée et proche de la délivrance. Pas moyen de trouver un motel pour les accueillir, soit ils étaient pleins, soit ils ne voulaient pas accueillir de bikers. Si ça continuait ainsi, il leur faudrait trouver refuge dans une grotte, ou une étable abandonnée.
On était proche de Noël. Jo se rappelait des Noëls de son enfance quand toute la famille était réunie autour de valeurs essentielles et que la terre où il vivait porter le nom de civilisation. Aujourd’hui elle était morte car le démon qui régnait sur le monde l’exigeait. Pour le moment la seule préoccupation de Jo était de trouver un endroit pour que Mary puisse se reposer.
Plus tard quand ils seraient à Monterey, il espérait pouvoir redémarrer une nouvelle vie. Bien sûr plus rien ne serait comme avant. On réduisait de plus en plus les gens à rien, mais ses cousins Mel, Balthus, et Gasper avaient promis de venir l’aider. Gas devait ramener des vêtements pour le bébé, Mel du matériel pour construire une petite maison en bois sur un terrain de la famille, et Balthus qui avait quelques économies avait proposé de donner un peu d’argent pour redémarrer dans la vie.
Dire que si tout avait continué comme avant, son enfant aurait pu devenir charpentier. Que ferait-il plus tard ? Difficile à dire, tant le monde était incertain. Comment allait-il évoluer ? Nul ne savait, dans deux mille ans sûrement les historiens sauront. Les hommes se seront peut-être libérés de cet obscurantisme, Jo l’espérait, c’était la seule chose qui lui restait. Et si son enfant devenait pasteur pour éclairer et guider les gens de sa paroisse ? Pasteur ça serait pas mal. Peu importe, pensa Jo, il voulait qu’une chose pour son enfant, un trésor que le démon qui dominait le monde ne pourrait jamais soumettre, l’éveil de la conscience.
Joyeux Noël à tous.
Jolie parodie de Noël. J'ai du chercher certains mots, et relire le texte pour en saisir toute l'essence
RépondreSupprimerTriste, mais laissant une éclaircit dans l'obscurité qui nous envahie
Merci :)