La brosse à dents se morfondait sur son support électrique. Elle trônait bien en vue sur la tablette de verre juste sous un spot halogène. Elle savait qu’elle était une privilégiée, les feux de la rampe c’était pour elle. Quand l’interrupteur de la brosse donnait le La, elle s’activait sur sa scène buccale avec frénésie, elle y mettait tout son cœur.
Un esprit chagrin eut pu dire, bof elle brossait, quoi ! Un commercial l’aurait plutôt qualifié de révélatrice de sourire. Question de point de vue !
Elle s’en fichait éperdument. La seule chose qui comptait pour elle, c’était le spectacle. Danser sur la scène des dents et des gencives était un ravissement, elle avait la chance de faire ce qu’elle aimait, adéquation parfaite entre le rôle, le destin, et l’envie. Elle n’est pas belle la vie ?
Et bien au fond pas tant que ça. La brosse à dents n’ignorait pas que sa situation en pleine lumière faisait bien des envieux. Tiens par exemple, le coton tige. Enfermé dans un sachet en plastique au fond d’un placard obscur, il ne voyait jamais la lumière, et peut-on vivre sans lumière ?
Elle n’osait même pas penser à la poubelle en inox située au dernier sous sol, sous le lavabo. Bien sûr elle faisait partie des sans grades, ceux qu’on ne voit jamais. Néanmoins, elle savait bien que sans la poubelle elle ne pourrait pas continuer à briller ainsi en pleine lumière. Les machinistes obscurs ont un rôle indispensable dans le théâtre de la salle de bain.
Elle n’osait même pas penser à la poubelle en inox située au dernier sous sol, sous le lavabo. Bien sûr elle faisait partie des sans grades, ceux qu’on ne voit jamais. Néanmoins, elle savait bien que sans la poubelle elle ne pourrait pas continuer à briller ainsi en pleine lumière. Les machinistes obscurs ont un rôle indispensable dans le théâtre de la salle de bain.
Malgré tout la brosse à dents était anxieuse, perplexe. Certes son métier lui donnait bien des satisfactions, mais elle le savait éphémère, très éphémère, comme ce papillon qui nait le matin et meurt le soir. Certes ce métier donne du plaisir aux spectateurs, mais on y vieillit très vite, et elle ne savait pas de quoi l’avenir serait fait.
Elle se doutait bien qu’elle aussi comme tant d’autres avant elle finirait en bas, au dernier sous sol, dans la poubelle, sous le lavabo. Mais après ? Oui mais après.
Y a-t-il une vie après la poubelle ? Que devient-on ? Où va t-on ? existe t-il une vie postérieure, réincarnation en bouchon de bouteille de bourbon ou en laine polaire ? Personne ne le sait, personne n’en est revenu. La brosse à dents était profondément angoissée face à toutes ces questions sans réponses. Alors elle se complaisait dans son rôle de jeune écervelée qui gigotait de la gambette sur l’émail des dents. Les autres ne savaient pas qu’une fois éteints, les projecteurs laissent la brosse à dents seule avec ses questions existentielles.
Et puis, ce n’est pas tout.
Elle l’avait vu un jour sortir du tiroir du petit meuble bas, dans le fond de la salle de bain, un endroit auquel elle n’aurait jamais accès. Elle en ressentit un choc violent au creux de l’estomac. La brosse à cheveux !
Sûre d’elle, viril, oui la brosse à cheveux reste de genre féminin même si l’individu est un mâle, c’est comme pour les orques. Elle était tellement belle avec son manche en bois sombre et sa chevelure régulière, noir de jais, coupé à ras, que la brosse à dents en tomba instantanément amoureuse. Elle aurait aimé se lover contre son torse puissant, mais les conventions sociales ne le permettent pas. Depuis quand une brosse à dents et une brosse à cheveux s’unissent-elles pour le meilleur et le meilleur ? Jamais. Ça n’arrive jamais, et si ça survient ce sont toujours des unions clandestines pour le pire et le pire.
Sûre d’elle, viril, oui la brosse à cheveux reste de genre féminin même si l’individu est un mâle, c’est comme pour les orques. Elle était tellement belle avec son manche en bois sombre et sa chevelure régulière, noir de jais, coupé à ras, que la brosse à dents en tomba instantanément amoureuse. Elle aurait aimé se lover contre son torse puissant, mais les conventions sociales ne le permettent pas. Depuis quand une brosse à dents et une brosse à cheveux s’unissent-elles pour le meilleur et le meilleur ? Jamais. Ça n’arrive jamais, et si ça survient ce sont toujours des unions clandestines pour le pire et le pire.
Il vivait dans un autre monde, celui des biens nés, celui de ceux qui savent qu’ils ont le temps pour eux. Bien entretenues, Chronos n’a aucune prise sur les brosses à cheveux. Pour peu qu’elles aient la chance d’appartenir à un chauve, alors là, c’est l’éternité ou presque qui s’offre à elles. La brosse à dents savait bien que ses jours étaient comptés. Sa durée de vie n’était guère de plus de deux mois, quelques fois trois si celui qui la possédait n’appuyait pas trop fort sur les dents.
La brosse à dents devait oublier ces idées un peu noires. Il fallait qu’elle se repose pour son show de 23 heures. Elle aimait bien jouer en nocturne, le public est plus attentif, moins agité. Consciencieuse, elle se ressaisit, mais au fond d’elle, elle était très triste en pensant à la brosse à cheveux. Décidément il est bien difficile d’avoir des amours heureuses quand on est une brosse à dents. On prend les artistes pour des gens superficiels et égocentriques, mais ils ont un petit cœur qui bat comme tout le monde. La brosse à dent en était la preuve.
Elle décida d’oublier ses idées un peu tristes, mais se dit, et si c’était vrai, si après la poubelle, il existe quelque chose, si c’était vrai qu’on se retrouve sous une forme ou une autre, alors j’aimerai bien être réincarné en peigne, et peut-être enfin pourrai-je vivre des amours heureuses avec ma brosse à cheveux.
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